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Le Livre

« Grande et petite histoire de l’orgue de Saint-Martin de Rennes »

10 €



L’ouvrage « Grande et petite histoire de l’orgue de Saint-Martin de Rennes » est le fruit des recherches de l’organiste Alain Gillouard passionné par l’histoire d’un instrument qui illustra la Chapelle du Roy au château de Versailles.

C’est l’œuvre d’un érudit dont les patientes recherches ont permis avec le concours d’Alain Léon, facteur d’orgues, de découvrir que Cavaillé-Coll avait réutilisé un certain nombre d’éléments, œuvre des Clicquot, notamment des sommiers et une cinquantaine de tuyaux estampillés de la prestigieuse famille de facteurs d’orgue du XVIIIe siècle.

L’ouverture des sommiers, l’examen minutieux de la tuyauterie ont donné une assise solide aux travaux de l’historien.

Ce livre est en même temps une page d’histoire de la facture d’orgue française, depuis la période classique illustrée par Couperin et les Maîtres du XVIIIe siècle, puis la période romantique avec la quasi-disparition des jeux de mixtures et enfin le retour progressif à la tradition par l’instrument néo-classique illustré par Victor Gonzalez et son atelier qui ont influencé constructeurs et restaurateurs de la première moitié du XXe siècle.

 

 


Si l’on ajoute les progrès de l’alimentation en vent réalisés par Yves Sévère, on a vraiment, à Saint-Martin de Rennes, grâce à la ténacité et au zèle de l’abbé Leroux, curé de la paroisse, une réalisation de très grande classe.

Qu’Alain Gillouard soit vivement remercié d’avoir mené à bien ce beau travail.

Monseigneur Yves Legrand

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Extraits


La galerie de portraits des célèbres organistes qui ont fait l’histoire de cet instrument :

 

César Franck (1822-1890)

Le premier des compositeurs-organistes à évoquer est César Franck. Si ce compositeur a beaucoup écrit, dans la première partie de sa vie, pour le piano et les ensembles d’orchestre de chambre (pour le plus grand plaisir de Liszt qui le jouait beaucoup), il s’est révélé, dans sa création musicale pour orgue, comme particulièrement novateur, et ceci n’a été rendu possible que par le génie du facteur d’orgue Cavaillé-Coll .Tout aussi profondément religieux que Bach, C. Franck va s’employer à réécrire de la musique d’église “ pour la plus grande gloire de Dieu ” et pour l’invitation à la prière des fidèles, en faisant oublier la musique pompeuse, inutilement chargée de sentimentalisme et de vague à l’âme, que les romantiques du début du XIXe siècle avaient cru de bon goût d’introduire dans l’art musical religieux. Il a composé, en volume, un nombre limité de pièces pour orgue ; mais n’aurait-il composé que ses célèbres chorals, prières ou bien encore son prélude-fugue et variation (dédié à son ami Saint-Saëns) qu’il aurait mérité cependant d’être sur le livre d’orgue de la musique religieuse de ces trois derniers siècles. César Franck est venu régulièrement chaque année, entre 1874 et 1886, tenir l’orgue de la chapelle dans le cadre de concerts appelés “ Salut en musique ”, le plus souvent organisés pour des œuvres charitables.

 

Charles-Marie Widor (1845-1937)

Charles-Marie Widor, l’organiste-expert des travaux de Cavaillé-Coll sur l’orgue de la chapelle de Versailles, est moins connu du grand public que Franck ou bien Saint-Saëns. Pourtant, bon nombre de futurs époux ont entendu, en entrant dans l’église, sa célèbre toccata, qui fait partie des dix pièces d’orgue de ce style, les plus jouées au monde par les grands organistes. Du reste, depuis quelques années, les élèves d’orgue de conservatoire redécouvrent cet organiste-compositeur qui nous a laissé dix symphonies pour orgue, genre qu’il a particulièrement développé pour cet instrument. Homme solennel et très simple, secrétaire perpétuel de l’Institut, Widor se lançait très souvent au cours de ses heures de cours, devant ses élèves, dans des développements historiques ou philosophiques. Le père Legrand, à l’époque jeune militaire, se souvient du petit salon derrière l’orgue de Saint-Sulpice, où Widor, le Maître, se laissait volontiers guider par le cérémonial que n’auraient pas renié les organistes du roi. Un “ valet ” de clavier, serviteur de l’église, lui chaussait ses souliers de pédalier, ouvrait la console, enlevait les protèges-claviers. Le Maître pouvait alors s’exécuter…La scène se passe en 1933.

 

Camille Saint-Saëns (1835-1921)

Le deuxième musicien célèbre, qui, avec Widor, avait participé à l’inauguration de l’orgue de la chapelle du Palais en 1873, est Camille Saint-Saëns. Son œuvre musicale est peu connue et pourtant richement dotée de pièces orchestrales, de piano et d’orgue. Citons également, dans l’environnement musical de Franck, Widor et Saint-Saëns, Gabriel Fauré (1845-1924), qui a notamment été titulaire de l’orgue de l’église Saint-Sauveur de Rennes. Lui aussi a joué sur l’orgue Cavaillé-Coll de la chapelle. Elève de Saint-Saëns, il a marqué l’espace musical de cette époque par son œuvre pour piano, ses partitions vocales et sa musique religieuse, au premier rang de laquelle il faut citer son fameux requiem qui, avec celui de Maurice Durufflé (1902-1986), constitue les pages parmi les plus accomplies pour la messe des morts, écrites depuis Mozart. Enfin, comment passer sous silence les Alexandre Guilmant (1837-1911), Eugène Gigout(1844-1925), Louis Vierne (1870-1937) ou bien Charles Tournemire (1870-1939), qui forment la richesse de l’école d’orgue française de cette époque, celle qui donnera un nouvel élan à la musique religieuse.

 

Monseigneur Yves Legrand (1910-2007)

Prêtre avant tout, organiste titulaire des grandes orgues de la cathédrale de Rennes dès 1953, il est fait chanoine en 1968, prélat de sa Sainteté en 1968, Désintéressé, du plus doué au plus humble, l’abbé Yves Legrand a formé des centaines d’élèves aux techniques d’orgue. Il a contribué très largement à créer et à développer l’ANFOL, l’association nationale de formation des organistes liturgiques. Certains de ces élèves sont aujourd’hui des organistes-concertistes célèbres, beaucoup grâce à lui tiennent l’orgue régulièrement avec talent dans les paroisses d’Ille & Vilaine et de Bretagne. Pour cet homme dont la vocation première était d’être prêtre de banlieue ouvrière, l’essentiel consistait à démocratiser l’orgue et la musique en permettant à beaucoup d’élèves d’y être formés et bien formés. C’est ainsi que sont nés les premiers stages d’orgue en Ille & Vilaine. En dotant les communes et les paroisses de très belles orgues, il a hissé l’Ille & Vilaine au troisième rang après Paris et l’Alsace, pour le patrimoine organistique. L’abbé Legrand a été quatre ans titulaire de notre instrument lorsqu’il était au petit séminaire de Châteaugiron. Par deux fois, en en 1936 avec le chanoine Inry, puis en 1974 avec l’abbé Garel, il prend en main la destinée de l’instrument « royal ». En 2003, il nous faisait l’amitié d’enregistrer avec la chorale « Saint-Martin des Chants » et les organistes de notre église, un très beau CD de pièces de musique qui permettent de remonter le temps de l’histoire de l’orgue. Il a notamment, pour nous, improvisé sur des thèmes de Noëls des pages d’orgue magnifiques.



Le diapason :

Hasard des dates, c’est aussi en 1711 que le diapason fut inventé par un certain John Shore, un luthiste anglais. Le diapason est une unité de mesure des sons. Il permet de donner un son de référence servant ensuite à l’accord des instruments. Avant qu’un consensus minimal ne se fasse sur la valeur à donner au diapason, une joyeuse anarchie sonore existait de sorte que les claviers d’un orgue pouvaient ne pas être accordés à la même hauteur de son. De même, c’est à cette époque qu’il n’était pas rare de trouver des claviers proposant un ré # et un mi b ; lorsque le clavier fut finalement définitivement établi à partir d’une octave comprenant, de do à si, 12 notes, l’on parla de clavier bien tempéré (expression qui apparaît au début du XVIIIe siècle). Le diapason officiel fixe le la3 à 440 Hz (+/- 0,5). Le diapason ancien, celui de l’orgue du temps de Louis XIV, était fixé au La 415 ; celui de Mozart se situait au La 422, soit une hauteur plus compatible avec des voix ordinaires. Chanter Mozart avec le diapason actuel au La 440 est aujourd’hui chose plus difficile ! Celui de l’orgue de Saint-Martin se trouve être établi à 436 Hz, soit légèrement plus bas que la norme actuelle. Ce niveau correspondait à celui des arrêtés officiels du diapason français normal de 1859. La différence est surtout sensible pour les instrumentistes qui sont amenés à jouer avec l’orgue : l’accord de la flûte, de la clarinette ou du violon est plus difficile à réaliser ! Le diapason utilisé par Cavaillé-Coll pour la chapelle de Versailles est mentionné en fin de livre à l’usage des techniciens et amateurs de facture d’orgue.



Les facteurs d’orgues qui ont façonné à la chapelle de Versailles cet instrument :

 

Les Clicquot (18ième siècle) : Robert, Louis-Alexandre
et François-Henry.
Les Clicquot, à l’instar de Bach pour la composition, vont réaliser la synthèse des petites et grandes inventions qui jalonnent l’histoire de l’orgue jusqu’à eux. « Pour traduire leurs grands jeux, leurs récits, leurs dialogues, les organistes ont besoin d’un instrument dont les possibilités et les qualités soient dans une large mesure équivalentes à ce que proposent J-B. Lully ou M-R. Delalande avec leurs orchestres de leurs sinfonies ». Les orgues Clicquot développent, en conséquence, une richesse sonore, apte à satisfaire les organistes du Roi. Chaque clavier de l’orgue Clicquot a sa propre existence, avec jeux de fond, pleins jeux et jeux de cornets ou d’anches. Les Clicquot maîtrisent parfaitement la technique des sommiers à registre qui assurent une rectitude dans l’arrivée et la coupure de l’air au niveau des tuyaux. L’intérieur de leurs orgues, avec leurs sommiers à gravure alternée, dans des espaces souvent réduits, ressemble à « un jardin à la française ». Nous disposons à Saint-Martin de l’exacte empietement des sommiers, donnée essentielle si l’on veut bien se souvenir de cette phrase du citoyen Bêche sauvant notre orgue de la révolution disant à propos de l‘agencement intérieur de l’instrument de la chapelle (1795): « Ce bel ouvrage est à juste titre regardé comme un chef-d’œuvre, non seulement par la beauté de ses effets, mais encore relativement à la distribution intérieure, pour laquelle l’artiste a été extrêmement gêné, à cause du peu d’espace qu’il aurait à sa disposition ».Cavaillé-Coll (1811-1899), le facteur d’orgue des sonorités romantiques.

Comme les Clicquot, les Cavaillé-Coll sont, d’abord et avant tout, une grande famille de facteurs d’orgue. La dynastie démarre aux environs du début du XVIIIe siècle avec Joseph Cavaillé (1700-1767), et se termine avec Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899). Aristide Cavaillé-Coll, originaire de Montpellier, s’installe à partir de 1833 à Paris pour y construire les plus grands instruments romantiques de la capitale. A la différence des Clicquot, A.Cavaillé-Coll va enrichir la facture d’orgues de process et de sonorités tout à fait inédites au XIXe siècle. Il invente l’utilisation de pressions différentes d’air entre les claviers, entre les jeux. Il développe et généralise l’utilisation de la boite expressive (qui permet de moduler l’intensité sonore de tel ou tel clavier) et de la machine Barker du nom de son inventeur ( qui permet un toucher beaucoup plus souple et facile des notes du clavier). C’est surtout l’enrichissement de la palette sonore qui distingue les orgues de Cavaillé-Coll : apparition de tuyaux de 32 pieds ouvert ( soit une hauteur de 32 fois 32,32 cm !), introduction des jeux harmoniques de flûtes et anches.

Beethoven (1770-1827) avait définitivement balisé le paysage musical du XIXe siècle. Marqué par ce courant musical, Cavaillé-Coll s’appliquera à mettre à la disposition des organistes compositeurs, des instruments susceptibles de restituer l’atmosphère sonore symphonique et romantique dont l’époque s’enivrait. C’est ainsi que les Franck (1822-1890), Widor (1845-1937) ou Vierne (1870-1937) purent tout à loisir composer des pièces d’orgue qui tranchaient avec le 18ième siècle par leur richesse et puissance sonores aussi bien que par leur style moins normé en apparence et plus libre. C’est aussi à cette époque que l’instrument-orgue se détache de sa fonction liturgique qu’il avait adopté au début du deuxième millénaire, pour devenir un objet de musique en soi. On doit à Cavaillé-Coll les grandes orgues de Notre Dame, de Saint-Sulpice ou bien encore de La Madeleine à Paris, mais aussi ceux de Saint-Denis, Rouen ou plus près en Ille-et-Vilaine celui de Saint-Servan, soit au total plus de 500 instruments. L’orgue de Saint-Martin de Rennes, signé Cavaillé-Coll, n’appartient pas, on l’aura compris compte-tenu de son parcours historique, à l’école romantique historique. Néanmoins, il comprend du célèbre facteur 500 tuyaux (sur les 1500 que compte aujourd’hui l’orgue de Saint-Martin de Rennes), dont la très belle flûte harmonique, la console par laquelle l’instrument est arrivé en Ille-et-Vilaine, l’armature générale de l’orgue qui comme tous les orgues Cavaillé-Coll est solide et faite pour durer des siècles, la boite expressive qui renferme les jeux du clavier de récit et les jeux d’anches à la pédale.

 

Cavaillé-Coll meurt en 1899, et avec lui sans doute, beaucoup du romantisme de la facture d’orgue du XIXe siècle. Cent ans plus tard, presque jour pour jour (il est décédé le 13 octobre 1899), nous lui dédions la restauration de l’un de ses orgues.



Une facture peut en cacher une autre !

La maison Boisseau-Cattiaux, qui a réalisé l’orgue neuf de la chapelle de Versailles en 1995, ainsi que l’expert du ministère de la Culture, n’avaient pas repéré l’existence des sommiers Clicquot lorsqu’ils sont venus en 1992 prendre les cotations sur l’orgue de Saint-Martin. Personne, du reste, n’avait imaginé que l’orgue de Rennes pouvait comporter des parties anciennes du vieux Clicquot de Versailles. Voici ce que l’on pouvait lire dans la plaquette d’inauguration de l’orgue neuf de Versailles en 1995 : “ Pourtant suivi par John Abbey, l’orgue se dégrade et en 1872, Cavaillé-Coll le remplace par un nouvel orgue, ne retenant de l’ancien que la façade, 36 basses de Bourdon, un Plein jeu et une Doublette incomplète… ” Les experts se sont plutôt inspirés essentiellement du seul orgue parvenu jusqu’à nous de L.A.Clicquot à savoir celui de Houdan, ville de la région parisienne, pour “ reproduire ” l’instrument de la chapelle du temps de Louis XIV.



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